Faits :
La requérante, ressortissante camerounaise, est arrivée en Belgique en 2014 avec un visa étudiant et a bénéficié d’un séjour régulier jusqu’en septembre 2020. Souffrant d’une hépatite B sévère, elle a introduit en août 2018 une demande de séjour pour raisons médicales sur la base de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980. Après deux décisions de refus annulées par le CCE (arrêts n°221.963 du 28 mai 2019 et n°271.317 du 15 avril 2022), l’OE a à nouveau rejeté la demande le 19 octobre 2023, estimant que les traitements nécessaires étaient disponibles et accessibles au Cameroun et qu’il n’existait pas de contre-indication médicale à un retour.
La requérante a contesté cette décision, soutenant que son état de santé s’était aggravé, son hépatite B ayant évolué vers une cirrhose. Ses médecins traitants, deux hépato-gastroentérologues, ont attesté qu’elle était inapte à voyager, qu’une prise en charge universitaire spécialisée était indispensable et qu’un retour au Cameroun exposerait la patiente à un risque vital en raison de l’inaccessibilité des soins et traitements (notamment du Vemlidy).
Discussion :
Le Conseil constate que le médecin de l’OE, généraliste, a rendu son avis sans avoir examiné la requérante, ni consulté ses médecins spécialistes, en se contentant d’une lecture partielle des certificats médicaux. L’avis contredit les constats clairs et concordants des médecins traitants spécialisés, qui évoquent un risque grave de décompensation hépatique et d’évolution fatale en cas de retour et l’incapacité de voyage de la requérante, vu son état physique, au-delà de l’arrêt du traitement qu’il implique. Le médecin de l’OE s’est limité à estimer qu’un voyage en avion ne réclame pas d’efforts physique, qu’il était possible de demander des aménagements aux compagnies aériennes et qu’il suffisait à la patiente de se reposer sur son siège ainsi que de respecter son traitement et les consignes hygiéno-diététiques, minimisant ainsi la gravité du diagnostic.
Le CCE considère que le médecin-conseil, vu qu’il diverge de l’avis de médecins spécialistes, aurait dû consulter ces derniers car il n’a jamais rencontré la requérante et n’est pas expert dans le domaine hépatique. En s’abstenant de le faire, il a manqué à son devoir de d’information. Le Conseil cite à cet égard la recommandation du Médiateur fédéral du rapport de 2016 sur la régularisation médicale, préconisant l’abrogation de l’instruction interdisant tout contact entre médecins-conseillers et médecins traitants.
Le Conseil conclut que la décision de refus est entachée d’un défaut de motivation adéquate, en violation des articles 9ter et 62 de la loi du 15 décembre 1980, ainsi que du principe de minutie.
En conséquence, le CCE annule la décision déclarant non fondée la demande d’autorisation de séjour sur la base de l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980.
> CCE n°322.928 du 7 mars 2025
> Rapport du Médiateur fédéral de 2016 sur la régularisation médicale


